Longtemps toisé, comme à ses heures a pu l’être le muscadet, le vinho verde revient en force, apprécié aujourd’hui pour sa fraîcheur et ses qualités désaltérantes. Ce vin du nord-ouest du Portugal, produit du sud du Douro jusqu’à la frontière espagnole, et qui a connu une histoire mouvementée et passionnante, représente en effet une formidable aubaine à l’heure où les degrés s’envolent, frôlant avec les 16°, parfois plus, autant dire l’indécence.
Jeunesse, teinte pâle, trame acidulée sont les attributs du vinho verde ; des atouts indiscutables qui les rendent indispensables à table et à l’apéritif. J’ai eu la chance de déguster quelques spécimens signés Anselmo Mendes, de MUROS ATNTIGOS. Sur des millésimes récents mais aussi et surtout plus anciens, preuve que ces blancs disposent d’une capacité de garde réelle.
Sylvie Escande, qui connaît bien l’histoire du vinho verde, m’a guidée ce jour-là dans cette découverte. Je mets ici quelques-unes de ses précieuses réflexions sur le sujet, extraites de son article « Les goûts du vinho verde » publié dans le cadre de la chaire UNESCO « Culture et Traditions du Vin » de l’université de Bourgogne (Territoires du vin). Notamment en ce qui concerne le cépage alvarinho, devenu le maillon fort du vinho verde. « Les alvarinhos, produits jusqu’en 2021 exclusivement dans la sous-région de Monção-Melgaço, bénéficient, parmi tous les vinhos verdes, d’une image de qualité ; leurs prix sont aussi nettement plus élevés que ceux des autres vinhos verdes blancs. Les termes ou couples de termes que nous avons mis en exergue – jeunesse / vieillissement ; acidité et fraîcheur ; agulha –, parce qu’ils sont des marqueurs traditionnels du goût de ces vins, connaissent des glissements de sens. Ils montrent aussi comment l’alvarinho est devenu l’étalon auquel les autres vins blancs se confrontent inévitablement. »
Ces trois millésimes de Muros Antigos, issus de la sous-région de Monção-Melgaço, confirment le retour en grâce du cépage et vinho verde. Le 2019 place le curseur avec un joli fruit, un vin à la fois étiré et enrobé, avec du gras et une bonne tension. Le 2012, à la teinte plus dorée, ne perd en rien de sa fraîcheur et renforce ces attributs d’ampleur et de gras ; des notes de miel, le fruit jaune bien mûr dominent sans caractère d’évolution marquée. Enfin, le 2009 tient bien la distance, avec une patine de l’âge très agréable, beaucoup de rondeur et de caractère encore fruité, sans décadence. (cette cuvée se trouve sur Internet à 12€ env.)
Bien plus qu’un « petit vin vert », le vinho verde mérite bien qu’on s’y intéresse ! Avec sa tension, sa fraîcheur, sa simplicité avenante qui cache en réalité un caractère bien trempé, ce blanc trouvera sa place à table, sur des poissons, des plats épicés, des fromages à pâte pressée. Pour clore le voyage initiatique de ce soir-là, un Alvarinho Contacto 2019 (12€ env.) vinifié avec une légère macération des peaux, offrant une belle sensation tannique, de la matière, et une trame toujours fraîche et gourmande.
Une balade lusitanienne fort convaincante, qui pousse grandement à approfondir et s’emparer de ce genre de pépites lorsqu’elles se présenteront !