Gilbert Felettig, petit Poucet de Chambolle !

Il pourrait y avoir comme un faux air de sangiovese dans les pinots de Gilbert Felettig… Certainement la même délicatesse, un fruit pur et beaucoup d’énergie, qui font tout l’attrait de cette adresse majeure de Chambolle !

Un grand-père italien, une grand-mère de Chambolle : voilà l’héritage de Gilbert Felettig bien lesté. Ses parents créent le domaine en 1974, quand les terres sont abordables et l’engouement pour la Bourgogne encore économiquement raisonnable. Il les rejoint en 1988, à tout juste 18 ans, ainsi que sa soeur Christine. Depuis, c’est une petite affaire de famille qui tourne avec bonheur, où le frère dispose des vignes et de la cave ; six hectares de vignes en propriété sur Chambolle, quelques compléments en fermage, 40 ares à Gevrey-Chambertin, 30 ares à Nuits-Saint-Georges et autant à Corton, de quoi trousser une jolie gamme de vins répartie sur 25 appellations. Ce parcellaire forcément très haché a largement influencé les pratiques culturales et les vinifications. Petit à petit, Gilbert arrête le désherbage, s’intéresse au bio, puis saute le pas. 

Pas de secret, juste une somme de détails ! 

C’était il y a dix ans et depuis le chemin ne s’est qu’embelli, à l’aune d’une vitalité de vignes retrouvée. Le domaine sera officiellement certifié AB pour le millésime 2024. « C’est une lente évolution reconnaît Gilbert Felettig. Je suis prêt à beaucoup de sacrifices pour le bio. Il faut se démarquer, expliquer ce que l’on fait et mettre tous les atouts de son côté ». Pragmatique, attentif, Gilbert fait les choses posément, l’une après l’autre, sans se précipiter. Ce grand gaillard aux faux airs de Jean-François Ganevat* semble aussi déterminé et précautionneux que son acolyte jurassien. Testant différentes méthodes, il ajuste ses élevages selon le volume, des 300, des 350 et des 400 litres. « J’aime bien l’apport du bois neuf lorsqu’il reste modéré, c’est pourquoi je recherche de petits contenants pour les renouveler plus souvent ». Et même si parfois il y a 100 % de fût neuf, comme sur le Chambolle 1er Cru Les Carrières 2018, aucune impression de toasté outrancier dans le vin. Au contraire, l’élevage se fond parfaitement, épousant la texture veloutée du pinot noir et lui apportant de fines notes de boisé blond qui s’estomperont au fil du temps.

L’apport de raisins entiers, initié depuis 2016 et variable selon les crus et les millésimes, a aussi fait progresser le domaine. L’âge des vignes avançant en toute logique, les vins trouvent ainsi une profondeur et une assise de plus en plus rayonnantes au fil des millésimes. Il faut dire que les rouges représentent 90 % des volumes de la maison, de quoi se faire la main avec assiduité. Pour autant, Gilbert aime se laisser surprendre par un millésime plus inattendu comme 2020. « Ce sont des vins assez riches, qui sortent de la tradition. Ce sont des vins qu’on ne connaît pas, mais en tout état de cause c’est un millésime exceptionnel, qui sort de l’ordinaire. » Avec des rendements de l’ordre de 28 hl/ha, encore plus faibles qu’en 2019 où il atteignaient les 35 hl/ha. Ici on ne pousse pas à la consommation ni à la surproduction ! On laisse le terroir s’exprimer, avec bon sens, sans se presser.

Une mélodie en sols majeurs…

Gilbert Felettig préfère les révolutions de velours ; pas de brusquerie, juste de fins réglages qui permettent d’ajuster les élevages, de temporiser le bois neuf, de dompter le millésime. La centaine de parcelles est un patchwork infini où puiser chaque année de quoi modeler des cuvées identitaires, qui expriment leur terroir avec une petite note différente à chaque fois. On se prend d’affection pour ces matières déliées, intègres, toujours cernées d’une grande fraîcheur. C’est un style assez évident, accessible, qui procurera autant de plaisir aux initiés qu’aux inconstants de la Bourgogne. Gilbert Felettig sait jouer de l’élasticité du pinot noir comme modèle la texture d’une viande ou d’un poisson selon sa cuisson ; selon qu’on l’envisage plus ou moins dentelé, plus ou moins mordant, plus ou moins puissant. La série des 2019 conforte les différentes colorations d’un même tableau ; le caractère des vieilles vignes, la nature d’un sol plus calcaire dans le chambolle 1er Cru des Carrières, la puissance mature d’un échezeaux, la présence compacte d’un Beaune 1er Cru du terroir plus argileux de Champs Pimont. L’excellent millésime 2018 conforte ces réussites, en dépit d’une richesse de corps plus affirmée, mais qui avec le temps saura en tirer partie.

Dernière satisfaction (pour le consommateur !) : Gilbert excelle aussi dans les blancs. Son aligoté notamment est un petit bonheur du genre sur ce cépage fringant, au port sauvignonné ; le hautes-côtes-de-beaune 2019 ravit lui aussi par son fruit généreux, direct, efficace. A l’image de Gilbert Felettig. 

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