Le Devay, nouvelle égérie du Rhône nord

Il était une fois… Une aventure familiale, des terroirs de schistes oubliés en bordure de Vienne, un paysage sculpté à la main, un vignoble conduit en agro-foresterie et en permaculture, et des vins d’un jour nouveau, forgés par la force de ces coteaux arides et la passion de deux rêveurs opiniâtres, Jean-Charles et Florence Fournet.

Depuis 2017, son premier millésime, le Château Le Devay donne sa mesure à cet îlot de terre rhodanienne, posé sur les bords de Condrieu et Côte Rôtie. Avec toute l’énergie et le soin d’artisans nouvellement formés, Jean-Charles et Florence Fournet y ont forgé un projet familial, en marge de leurs activités respectives, et donné un nouveau souffle à cette propriété exilée, autrefois vignoble ecclésial et exploitation agricole.

CHAPITRE 1. UNE HISTOIRE FAMILIALE

 Depuis, c’est une aventure humaine, sensible et passionnée qu’ils mènent avec enthousiasme et optimisme. Avec l’idée toute simple de produire des vins à leur mesure, qui leur ressemblent, empreints de grâce et de caractère. Désormais, chaque matin, lorsqu’ils ouvrent grands leurs volets tournés vers le levant, ce n’est plus un parterre de bois et de cimes qui touchent l’horizon et se confondent avec le ciel, mais un carreau de vignes sur échalas, entremêlées l’été, laissant à nus leurs bois l’hiver, qui s’étend sous leurs pieds et s’offre au regard.

Sur ce petit îlot de vignes fraîchement écloses qui entourent leur maison, ils ont bâti leur bonheur. Quelques hectares pour produire du vin blanc et rouge, en dénomination IGP Collines Rhodaniennes. 

C’est une histoire familiale, née près de Vienne en 2004. Sur les hauteurs de Saint-Roman-en-Gal plus exactement, à peine quelques kilomètres au nord des dernières parcelles de côte-rôtie. Une grande maison de campagne, entourée de friches, de bois et de forêts regardant vers le Rhône. Jean-Charles Fournet, médecin radiologue, et Florence Fournet, orthophoniste, s’y installent et entreprennent la rénovation des bâtiments. Cette propriété du 18e siècle, autrefois maison de repos de l’archevêque de Vienne, est entourée de nombreux bâtiments agricoles et de 21 hectares de terres dont le cadastre atteste la présence passée de vignes.

La famille Fournet prend possession des lieux et s’intègre parfaitement dans cette région viticole, se liant d’amitié avec de nombreux vignerons des appellations voisines, Côte Rôtie et Condrieu notamment. Leurs activités respectives ne les laissent pas indifférents au métier de vigneron et de dégustations en salons, de visites de caves en compréhension intime du vignoble, les voilà devenus des passionnés, et même un peu plus que cela. Une première étape s’ouvre avec la création de la Cave du Temple à Vienne, en 2015. Avec quelques amis médecins, Jean-Charles et Florence se lancent dans l’aventure du vin, d’abord commercialement. Au plaisir de proposer leurs cuvées coups de coeur et leurs vignerons modèles se greffent l’apprentissage du métier, la connaissance approfondie de la viticulture et de ce milieu à la fois original et attachant.

Bientôt l’expérience de caviste en centre-ville ne leur suffit pas. Chaque jour, lorsqu’ils ouvrent leurs volets et regardent en direction des Alpes, où par beau temps, on voit se découper la silhouette du Mont Blanc, ils pensent à ce que leur a dit un jour leur ami Pierre-Jean Villa, vigneron à Condrieu et Côte Rôtie. Que leurs friches sont un formidable vivier de vignes, un terroir insoupçonné pour planter roussanne, viognier et syrah. C’est un chantier de titan, mais petit à petit, l’idée de remettre en culture la propriété fait son chemin…

En  2014, la décision est prise. Il y a aura bien des vignes au Devay, et un jour, un premier millésime naîtra. L’odyssée familiale et collective s’enclenche. Qui plus est, leur neveu Romain Gay, diplômé d’un BTS oenologie-viticulture à Beaune, prend lui aussi l’affaire au sérieux et projette de les rejoindre pour s’occuper du vignoble. Logé sur le domaine, à pied d’oeuvre chaque matin et désormais salarié permanent de la structure, il s’initie aux travaux de la vigne et prête main forte aux néo-vignerons.

Ce sont des coteaux qui plongent dans le vallon, tout autour de la propriété, cintrant le paysage de leurs pentes abruptes. Les roches métamorphiques de type schistes et micaschistes forment l’essentiel des surfaces ; ce sont les mêmes sols que l’on retrouve un peu plus loin, sur les versants de Côte Rôtie.

Ce terroir oublié, en bordure de Vienne, face à Seyssuel, n’est en effet distant de l’appellation reine que d’un petit kilomètre. « Sur ces sols intacts, préservés de toute pratique intensive, on goûte encore la tension, le caillou, la rudesse et l’intensité saline des schistes ». Dans ce cirque préservé bordé de bois et ceint seulement par une nature ordonnée et limitée par le fleuve qui coule en contrebas, le calme et l’étonnement subsistent. « Nous sommes seuls au milieu des bois ! L’environnement idéal pour pratiquer l’agro-foresterie et la biodynamie »

Les abords de Vienne sont réputés dès l’époque gallo-romaine. Les Fournet ne sont pas les premiers mais ils ressuscitent ce pan important de la culture viticole française. Pline l’Ancien citait déjà la région pour la qualité de ses vins ; en effet, la cité portuaire est dès la fin du 1er siècle largement réputée comme centre culturel des lettres et des arts. Sa position stratégique sur le Rhône, son commerce florissant (notamment de poterie et de draperies) et sa viticulture locale lui permettent de rayonner bien au-delà de ses limites territoriales. Ses vignes survivent à l’Empire romain et sont encore présentes au Moyen-Age, grâce aux nombreuses communautés religieuses implantées à Vienne. La vigne croît alors sur des coteaux arides et bien exposés, de petites collines formées par des débris de schistes micacés. Au début du 20e siècle, on récence plus de 6000 hectares de vignes dans l’arrondissement de Vienne. Au cours du temps, la viticulture a peu a peu disparu, concurrencée par la pression foncière, l’urbanisation et l’installation de secteurs d’activités plus rentables, notamment industriels.

Résurgence de ce temps florissant où le commerce du vin égalait celui de produits précieux, le vignoble du Devay s’inscrit à sa mesure dans cette histoire millénaire. Mémoire des lieux mais aussi préservation d’une nature de plus en plus menacée, le projet porte ainsi une double dimension culturelle et environnementale.

Sur ces coteaux bien exposés à l’est et au sud, les formations de schistes et de mica-schistes fondent un socle particulièrement intéressant à la culture de la vigne. Dans le prolongement du terroir de Côte Rôtie, ce petit îlot exilé constitue une excellente terre à vignes. C’est pourquoi l’occasion était trop belle de la laisser échapper ! Pierre-Jean Villa, vigneron à Condrieu et Côte Rôtie, a tout de suite repéré son potentiel. En expert bienveillant, il a conseillé et accompagné les Fournet tout au long de leur projet et continue de leur apporter son soutien à chaque étape de la réalisation de leurs vins, que ce soit à la vigne (avec l’emploi de ses équipes de taille et de travaux saisonniers, en support de Romain) et en cave.

CHAPITRE 2. AGRO-FORESTERIE ET PERMACULTURE

Le Château Le Devay est d’abord le lieu de vie de la famille Fournet. Le choix de la biodynamie s’impose dès les premiers coups de pelle. Respect de la nature et du vivant semble une évidence pour préserver l’harmonie et la quiétude du lieu, cette propriété à l’écart de la ville, conduite par une petite route paisible ponctuée de quelques habitations, à 3 kilomètres de Vienne.

En bon scientifique, rationnel et organisé, Jean-Charles Fournet ne souhaite pas faire les choses à moitié. Avec son épouse Florence, ils choisissent la voie la plus ardue, mais la plus passionnante : une viticulture douce, respectueuse du vivant ; ce sera dès le départ un choix important, liant permaculture, agro-foresterie et biodynamie. Sur les conseils d’amis vignerons, ils font appel à Claude et Lydia Bourguignon, soucieux de connaître le point de vue de ces microbiologistes des sols réputés mondialement. Déjà, l’analyse visuelle des terres, tout autour de la propriété, confirme la présence de micaschistes et d’une exposition parfaite.

Les Bourguignon isolent 5,5 hectares de terres idéales pour la plantation de cépages rhodaniens. De gigantesques travaux de défrichement sont alors entrepris. Parallèlement, les Fournet prennent contact avec différents pépiniéristes pour amorcer les plantations en 2015, Jean-Claude Lapierre en Savoie, les pépinières Mistral et Lilian Bérillon dans le Vaucluse. Diversité des plants et des porte-greffes (Riparia et 3039), qualité des sélections sont ainsi privilégiées, massales et clonales.

 Ils s’entourent également des conseils et de l’expertise de Marc Birebent, de la société Worldwide Vineyards, qui vient greffer les racinés en T-bud et chip-bud, deux techniques de greffe ancestrales garantissant les meilleurs résultats. Les équipes de Marc Birebent viennent au mois de juin au moment de la montée de sève ; ce procédé long et exigeant se déroule sur quatre ans en fonction du développement des racinés, car on ne peut les greffer que lorsque leur diamètre de tronc atteint plus de 2 cm.

Les Fournet ont également fait appel à Christophe Raucaz et Jean-Claude Lapierre, de la société VitiSavoie, un pépiniériste installé à Verrens Arvey en Savoie, l’un des rares à pouvoir fournir des ceps sur mesure d’une telle qualité. « Il faut concilier plusieurs approches pour favoriser la diversité génétique. De même que l’on souhaite mêler les espèces végétales, de la même façon nous favorisons des origines variées pour nos plants. Plus c’est varié, plus c’est complexe ! »

Conseillés par Pierre-Jean Villa, les Fournet débutent leurs plantations en suivant les cycles lunaires ; auparavant, les parcelles sélectionnées sont travaillées et semées en engrais verts pour accueillir les jeunes plants. Le résultat ne se fait pas attendre avec une réussite de plus de 99 % de reprise (un taux exceptionnellement élevé) et un développement végétatif absolument parfait. La rencontre avec Lilian Bérillon agit comme un révélateur. Une plantation de 11 000 porte-greffes Riparia est réalisée en 2017 en vue d’un surgreffage en 2019 par des sélections massales de viognier et de syrah. 

Guidés par leurs lectures et les recommandations de leurs désormais collègues vignerons – Jean-Michel Gerin, Christine Vernay, Yves Gangloff, Thierry Germain (pour la biodynamie et la création du paysage viticole), Jean-Charles et Florence placent la barre haut et envisagent le meilleur pour leur vignoble. Du choix des porte-greffes à la variété des raisins, tout est pensé avec l’idée de faire du mieux possible et le plus naturellement qui soit. Les terres sont entièrement travaillées à la main et les travaux ne manquent pas : taille respectueuse du flux de sève, relevage sur échalas, aucun rognage n’est pratiqué dans le but de laisser la plante terminer son cycle végétatif, enroulement, tressage, enherbement, paillage…

Toutes les parcelles sont travaillées au treuil et au chenillard, pour ne pas tasser les sols. Tisanes, décoctions de plantes et dynamisations sont utilisées tout au long du cycle végétatif de la plante, dans le respect du calendrier lunaire, réalisées uniquement en fonction des besoins et individualisées pour chaque parcelle. 

L’aventure viticole se double d’une volonté de faire revivre la vocation première du domaine avec la polyculture. Un projet de cidrerie est également en cours, amorcé en 2019.

Tout le reste de la propriété, les talus et les friches sont ainsi valorisés par des enherbements mellifères, permettant à la faune et à la flore de trouver un habitat adéquat. Près de deux kilomètres de haies mellifères et coupe-vents sont également replantés aux abords des parcelles (voir encadré). En périphérie des parcelles et dans leur coeur, des bandes sont laissées libres, réservées à la plantation d’arbres fruitiers d’essences locale et ancienne, en collaboration avec la pépinère bio de Christophe Delay à Estrablin (abricotiers, pêchers de vignes, amandiers, poiriers, pommiers), toujours selon les principes de l’agro-foresterie. Les bois ont également été remis en état pour être utilisés pour chauffer les bâtiments agricoles et être ainsi autonomes en énergie. 

CHAPITRE 3. LES PREMIERS VINS

En parallèle de la création du vignoble, des premières plantations et de la naissance du premier millésime, d’importants travaux de restauration furent menés pour remettre en état les bâtiments agricoles et créer une cuverie, un chai à blancs et à rouges, ainsi qu’une salle d’embouteillage et les annexes nécessaires au stockage du matériel. Soucieux de choisir les meilleurs matériaux et surtout de bénéficier des plus hautes normes de qualité, les Fournet font appel à la société Vectoeur, basée à Beaune et spécialisée en analyses microbiologiques. 

Pendant ce temps, Florence passe le DUTO (diplôme universitaire de technicien en œnologie)en juin 2018 à Dijon. Une année intense de formation en parallèle de son activité d’orthophoniste, qui lui permet désormais d’être à pied d’oeuvre en cave !

Forcément, le choix du matériel de vinification n’est pas non plus laissé au hasard et les meilleures technologies ont été employées pour contribuer à la volonté d’excellence du domaine. Isolation des chais et de la cuverie, analyse de l’eau, pressoir pneumatique Europress, pompe haut de gamme, cuves inox thermo-régulées avec contrôle des températures…) tout a été étudié et pensé au plus juste. 

Les premières vendanges ont lieu en septembre 2018, un millésime exceptionnel, une chance pour un début ! Le millésime suivant confirme le grand potentiel du domaine et quatre premiers vins voient le jour, trois blancs et un rouge. L’élevage se fait en barriques ou en demi-muids, en privilégiant des fûts de deux années pour ne pas imprimer de goût boisé aux vins. Les seuls bois neufs proviennent de la tonnellerie autrichienne Stockinger, réputée pour ses bois neutres et délicats. 

LES CUVEES

Entre les murs. Un blanc de tension et d’équilibre, aux parfums frais, nuancés et délicats, de charme immédiat. Micaschistes. Coteaux exposition sud. Altitude 340 m.  100 % viognier.

Sous les étoiles. Un blanc de percussion, qui révèle par son fruit mûr et ciselé la résonance du schiste et sa minéralité.  Schistes. Coteaux exposition est. Altitude 370 m. 100 % roussanne.

En pente douce. Un blanc joyeux et libéré, conjonction parfaite de simplicité et de plaisir. Argiles et micaschistes. Exposition est. Altitude 370 m. 85 % viognier, 15 % roussanne. 

En pleine nature. Une seule barrique, comme un pont jeté entre deux rives : la tension et la précision. Cette cuvée vinifiée sans aucun intrants ni sulfites repousse les limites de la pureté, toujours sur le fil, dans une pleine élégance. Micaschistes. Coteaux exposition sud. Altitude 340 m.  100 % viognier.

Côte Levant. Un fruit percutant et pulpeux, qui conte ce terroir de schistes et de caillasse par son soyeux et sa délicatesse. Schistes. Coteaux exposition est. Altitude 400 m. 100 % syrah.

L’ANNEXE DU DEVAY

En 2019, le Devay étoffe sa production d’une courte gamme de cuvées issues d’achats de raisins sur les appellations Côte Rôtie, Crozes-Hermitage (rouge et blanc) et Côtes du Rhône. Les parcelles sélectionnées sont suivies tout au long de l’année et soignées avec la même attention qu’au Devay.

Élevés au domaine avec la même exigence de tri et le même procédé de vinification, ces vins passent en fûts et en foudres, avant d’être assemblés et mis en bouteille. Il s’agit pour le Devay d’une très belle présence sur les appellations phare de la région.

Crozes-Hermitage Blanc. Alliance de vivacité et de gourmandise, cette cuvée caméléon trouvera une voie d’accord évidente. Cuisine simple ou raffinée, à vous de jouer ! 50 % roussanne, 50 % marsanne.

Crozes-Hermitage Rouge. Une cuvée de plein fruit, facile et enjouée, à savourer bien entouré, sans sophistication ni palabres. Le bonheur assuré ! 100 % syrah.

Côte Rôtie. Sur ce terroir historique et envié du Rhône nord, cette cuvée joue de plénitude et de largesse avec mesure. La syrah à l’état pur ! 100 % syrah.

Côtes-du-Rhône. Toute la joliesse d’un jus foisonnant, délicatement épicé, qui conte toute la vigueur de ces terroirs escarpés et le croquant d’un fruit épanoui. 50 % syrah, 50 % grenache.

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