A Nuits-Saint-Georges, l’expérimenté et discret Maxime Rion avance avec assurance et adresse, rebattant les cartes de cette vaste appellation. Une valeur sûre, à découvrir d’urgence.
A Nuits-Saint-Georges, il ne faut pas se tromper de Rion. La famille a fait sécession et plusieurs branches portent désormais le patronyme en autant d’identités. Patrice a pris son indépendance au début des années 2000 et ouvert son chapitre personnel. La création débute modestement, avec 1,5 hectare sur Nuits-Saint-Georges et sur Chambolle Les Cras. Est venue se greffer une parcelle de Chambolle-Charmes puis près de quatre hectares supplémentaires entre 2003 et 2005 : les Argilières (1,80 ha), le Clos Saint-Marc (0,90 ha) et les Terres Blanches (1,23 ha), une parcelle plantée de chardonnay et de pinot blanc. A l’époque, le fils Maxime est fraîchement émoulu de son diplôme d’oenologue et s’apprête à parfaire ses classes en Nouvelle-Zélande histoire de vinifier du pinot sudiste à grande échelle. Il revient en 2006 et amorce, à la suite de son père, le renouveau du domaine. Se faire un prénom n’est pas chose aisée et le jeune homme imprime sa propre voie, conservant certaines méthodes pour en apporter de nouvelles. La vendange entière, la culture biologique, les sélections massales, l’arrêt du sulfitage à la vendange sont quelques inflexions au style paternel, qui font leurs preuves, le domaine gagnant en superficie autant qu’en reconnaissance.
Pragmatique, Maxime Rion n’est pas un frondeur. Il avance en observant, en expérimentant, la tête bien faite, aiguillée par la preuve. Prudent, il oeuvre sans fracas, préférant gagner de petites batailles plutôt que la révolution. A sa mesure, ses vins sont purs, droits, frais, portés par des élevages discrets, qui ne contraignent pas les vins mais les soutiennent et les prolongent. Dans l’explosif millésime 2018 dégusté à la propriété en octobre dernier, on pouvait rendre compte de toute l’importance des bois, de leur chauffe et de leur proportion car déjà très athlétique, ce millésime aurait pu rapidement devenir entêtant, lourd et ennuyeux. Rien de cela pourtant. Certes musculeux et complets, ces 2018 avancent de la richesse et de la fraîcheur, des matières charnues où le fruit se distingue toujours, à l’instar du Nuits-Saint-Georges Les Argilières, emblème du domaine et cuvée culte de la maison. On y trouve même une certaine fermeté, un jus fin et délié où le calcaire rose de Prémeux fait office de réservoir de fraîcheur.
Argilières versus Clos Saint-Marc.
Son alter ego, le Clos Saint-Marc – on peut préférer l’un ou l’autre, c’est sensiblement une affaire de goût personnel et selon les millésimes, le débat est certainement mouvant et la ligne de crête tenue – est du même acabit, entre fermeté, élan et profondeur. Ce monopole situé sous les Argilières, sur une roche mère différente, offre un surcroît de densité et d’épices ; son ossature le rend toujours plus impressionnant sur sa jeunesse, les sols plus profonds, avec 1,5 mètre de cailloux et d’argiles, lui octroient un peu plus de richesse que les Argilières. Le bas de la parcelle, un banc de calcaire posé sur la roche, le préserve de toute ostentation et même dans ce millésime d’impression, au sens pictural du terme, le vin reste bien gainé, sur ses rails, porté par un caractère mentholé qui l’étire avec adresse.
Il y a là dans les vins de Maxime une certaine jubilation à naviguer entre ardeur et délicatesse, à doser adroitement la puissance et la mesure. La suite de la dégustation enchante de promesses et sur les 2019 en barriques, la même impression de finesse et d’équilibre persiste. Notamment sur cet étonnant bourgogne les Bons Bâtons, une petite merveille de perfection formelle : cette « simple » appellation régionale engage un jus d’une finesse et d’un charme souverains, une gourmandise à l’état pur, sans sophistication ni outrance. C’est ainsi que devrait être le pinot noir, croquant et disert, affable et accessible à tous. Cette cuvée épatante de fruit est un modèle du genre, une introduction bénie au style du domaine et à toute la Bourgogne. Bien sûr sans commune mesure de force et de complexité, les nuits et les chambolles le surclassent d’un ton et donnent le la de ce millésime d’extrême tempérance, à la fois entier et finement ouvragé.
Le dernier millésime dégusté sur place, 2020, n’a rien à lui envier. Amorçant la conversion du domaine à la culture biologique (les vins seront certifiés Ecocert à partir du millésime 2023), il oeuvre lui aussi à la finesse et au fruit préservé. Sur cette année solaire, la vendange entière est ajustée, environ 25 à 30 % sur toutes les cuvées, jusqu’à 50 % parfois sur certaines pour en arrondir les tanins et les assouplir. Lisser les contours sans rien perdre en intensité, voilà l’un des leviers de cette technique qui refait son apparition dans beaucoup de domaines ou n’a jamais disparu chez d’autres. Maxime ne suit pas une mode ni n’adhère à une chapelle : suivant son instinct, méthodique et discipliné, il tempère juste le caractère « sucré » d’un millésime, ralentissant ainsi la fermentation ; « avec la vendange entière, on obtient 2 à 3 degrés de moins en température. » La même réflexion est à l’oeuvre en ce qui concerne les élevage sous bois. La proportion de 40 % de bois neufs sur les 1ers Crus et de 30 % sur les villages est une règle – elle peut être assouplie au cas par cas – mais les chauffes légères ne donne jamais de notes toastées ni grillées au vin.
Quant aux blancs, élevés en fûts de 350 litres avec du bois neuf à hauteur de 5 à 10 % seulement, ils restent minoritaires. Le Nuits-Saint-Georges Les Terres Blanches est une cuvée créée en 2005, comptant 10 % de pinot blanc dans son assemblage. Sur ce millésime 2018, malgré un élevage mesuré, elle prenait un tour un peu riche et confit qui la faisait voyager au pays du condrieu quand on eut préféré qu’elle nous emmenât plutôt en pays ligérien…
Surtout, il ancre un peu plus la propriété sur son terroir privilégié et étendra bientôt son cadastre de 3 hectares ; notamment des parcelles sur Vosne-Romanée (30 ares auxquels s’adjoignent 25 ares en 1er Cru Les Beaux Monts), 70 ares sur Nuits-Saint-Georges au lieu-dit les Barrières, à la frontière avec Vosne, et 40 ares en 1er Cru Les Hauts Pruliers qui donne toujours des vins plus épicés et plus complexes, très différents du secteur de Premeaux. Enfin, dernière arrivée en date, une cuvée de Nuits-Saint-Georges Les Plateaux, issue d’un sol en légère pente, avec des éboulis calcaires et un peu d’argiles, au pied du 1er Cru Château-Gris.
A terme, avec une petite dizaine d’hectares, voilà le domaine sérieusement lancé dans la course aux meilleurs prétendants de la Côte …