C’est un négoce cousu de fil doré, une petite manufacture de vins de cépages extrêmement bien rodée. Créées en 1995 par Catherine et Laurent Delaunay, initialement pour le marché américain, Les Jamelles ont bien grandi depuis et étendu leur gamme. De trois premiers vins à la fondation – chardonnay, merlot et cabernet-sauvignon, vite rejoints par une syrah, un sauvignon blanc et un pinot noir – la gamme s’est largement étoffée, comptant aujourd’hui une trentaine de cuvées dont 22 mono-cépages et 4 sélections parcellaires.
L’exception viticole française
Le concept est simple : mettre en valeur les caractéristiques du cépage, sans extrémisme ni maquillage, et l’envoyer aux quatre coins du monde pour séduire des palais aussi différents que ceux d’Américains, de Québécois, de Britanniques ou de Français. « L’idée était de faire une cuvée commune à tous les marchés » explique Catherine Delaunay. « One fils all » en somme, avec désormais 6 millions de cols éparpillés à travers le monde, dont 20% en France.
Dans les faits, la méthode est habile et précise. Pas question de faire des caricatures de chardonnay beurré, vanille-coco ni de cabernet poivron-tomate-basilic. L’expression du cépage est surtout concomitante à celle d’un lieu : les terroirs du Languedoc.
Car l’aventure est née dans le sud, dans cet eldorado où, au tournant du millénaire, tout semblait ouvert ; le Languedoc faisait alors office de terre promise et tous les grands stylistes s’en emparaient. L’occasion était belle de le conquérir par une autre voie, plus accessible, oeuvrant à replacer ces territoires dans une lecture accessible, par des vins d’initiation, décontractés et très plaisants, techniquement irréprochables.
Le plus difficile est toujours de paraître simple et évident sans montrer l’effort, sans dévoiler la mécanique. Les Jamelles y parviennent à merveille, assurant à chaque cuvée un naturel, de la joie et du plaisir. Pourtant, le travail en cuisine est plus complexe qu’il n’y paraît ; il faut en amont sélectionner les parcelles bien sûr, les partenaires aussi, avec qui l’on partage les valeurs et les méthodes, et puis user de tous les outils modernes à sa disposition, en dosant avec probité et doigté.
Les vins sont pour partie élevés sous bois, en barriques mais aussi avec des stèves, et des copeaux frais, toujours sur lies fines à l’abri de l’air. Des techniques très couramment employées, jamais avouées, par coquetterie idiote, sans doute, car pourquoi ne pas revendiquer ce que l’on fait, si on le fait bien et à dessein ?
Le résultat se lit dans le verre et la dégustation laisse éclater la vérité.
L’IGP Pays d’Oc chardonnay 2022 (9€) est une petite réussite de gourmandise et de confort, accroché à une belle énergie, un fruit rond, frais, avec du gras et de la tension. Une partie des jus viennent de Limoux pour la tension et la belle tonicité. C’est réussi !
L’IGP Pays d’Oc grenache gris La Lauze du Moulin 2021 (20€), sélection parcellaire de 80 ares, offre autant d’atouts de charme et de saveurs immédiates. Des notes d’agrumes, un jus filant, énergique, une finale saline offrent un ensemble très savoureux. C’est en fait un « blanc de gris » avec une teinte claire, issu des propres vignes des Delaunay, 10 ha dans les Corbières. Récolté à la main, vinifié en cuves inox pour le côté vif et croquant puis élevé en 500 litres sans bois neuf, ce vin prend le contre-pied du languedoc plantureux.
L’IGP Pays d’Oc syrah-grenache Minimalist 2022 (10€), sans sulfites ajoutés, élevé sur lies fines uniquement en cuves, recèle un jus croquant, de myrtilles et d’épices, aux tanins fondus, avec de petits amers en finale.
Enfin un vin orange 2021 (8,50€), passage obligé, mais qui ne déçoit pas. Assemblage de 5 cépages (grenache blanc, viognier, muscat, gewurztraminer et chenin), il combine des notes d’orange, d’agrumes, de bergamote et d’épices à une trame fine, juteuse, très délicat, sur le poivre blanc et les fleurs.
En résumé : des vins lisibles, accessibles, irréprochables, qui content le sud avec brio et simplicité.